Partout dans le monde, des élèves sont en situation de pauvreté éducative
En 2022, la Banque mondiale estimait qu’environ 70 % des enfants âgés de 10 ans dans les pays à revenu faible ou intermédiaire étaient incapables de lire et de comprendre un texte simple, contre 57 % en 2019 (Banque mondiale, 2022), soulignant ainsi le fait que le monde traversait une crise du savoir. Cette augmentation est due en partie à la fermeture des écoles pendant la pandémie de COVID-19. Cependant, la hausse prévue de ce phénomène variait selon les régions, l’Amérique latine et les Caraïbes étant les plus touchées.
Dans les situations de déplacement forcé, on ne sait pas si les enfants continuent d’apprendre
On ignore quelle proportion des apprenants déplacés de force possèdent des compétences en lecture, en écriture et en calcul. L’importance des données à ce sujet est soulignée dans l’indicateur 4.1.1 de l’ODD 4, qui invite les États à rendre compte de la proportion d’enfants et de jeunes ayant atteint au moins un niveau minimum de compétence en (i) lecture et (ii) mathématiques, ventilée par genre. Nous en savons encore moins sur les compétences sociales et émotionnelles de ces apprenants, dont il a été démontré qu’elles sont non seulement nécessaires à l’acquisition de la lecture, de l’écriture et du calcul, mais aussi essentielles à la réussite dans la vie.
Une enfant réfugiée dans le camp de Mbera en Mauritanie passe un test d'évaluation des acquis avec une facilitatrice qualifiée. ©RET International
L’objectif du projet « Learning Measurement » est de combler ce manque de données afin d’éclairer l’élaboration des programmes et des politiques d’éducation destinés aux enfants réfugiés. Nous voulons savoir dans quelle mesure les enfants déplacés de force ont acquis des compétences en lecture, en écriture et en calcul, et dans quelle mesure ils ont acquis des compétences sociales et émotionnelles. Pour le savoir, nous avons procédé à deux évaluations du niveau d’apprentissage en Mauritanie et au Mexique.
Les résultats obtenus dans ces deux pays nous révèlent une situation complexe en matière d’apprentissage dans ces contextes très différents.
Mauritanie
En juillet 2024, le HCR et RET International ont mené une évaluation en matière d’éducation en Mauritanie. L’évaluation holistique du développement et des résultats d’apprentissage (HALDO), mise au point par Save the Children, est un outil interactif qui mesure les progrès d’apprentissage des populations touchées par des crises.
personnes vivent dans le camp de Mbera. Plus de la moitié de ces réfugiés sont des enfants (2024)
de la population totale du camp de Mbera sont des enfants réfugiés en âge d'aller à l'école primaire ou secondaire (2024)
Taux brut de scolarisation des réfugiés dans le primaire (2023)
Taux brut de scolarisation des réfugiés dans le secondaire (2023)
Il convient de noter qu’une grande partie des élèves de ces deux niveaux sont plus âgés que la moyenne et ne correspondent pas à l’âge requis pour leur niveau scolaire. Un résultat positif est que les élèves de 6e année ont systématiquement obtenu de meilleurs résultats que leurs camarades de 4e année, ce qui indique que certaines connaissances sont acquises entre la 4e et la 6e année. Enfin, aucune des variables relatives au milieu socio-économique des élèves, telles que les biens possédés à la maison, ne permet de prédire les résultats aux évaluations, à l’exception de la présence de livres à la maison.
Un animateur mène des activités avec des enfants dans le camp de Mbera. ©RET International
L’outil HALDO comprend des éléments d’apprentissage socio-émotionnel, qui « fait référence à la capacité croissante d’un enfant à acquérir de l’indépendance et de la confiance dans une série d’activités routinières ». Ce volet commence par cinq questions fondamentales sur l’enfant et son environnement, notamment son nom complet, son âge, etc. Tous les élèves ont obtenu un score supérieur à 90 %. Ces scores élevés ne sont pas surprenants pour des élèves de cette tranche d’âge.
Les questions 6 à 11 de l’évaluation sont plus subjectives et demandent aux élèves de réfléchir à leurs aspirations pour l’avenir. La séquence commence par la question 6, où les élèves doivent citer une chose qu’ils « espèrent/souhaitent voir se réaliser dans leur vie à l’avenir ». Les scores progressivement plus faibles obtenus aux questions 7 à 11 suggèrent qu’environ la moitié de l’échantillon global a des difficultés à envisager l’avenir, ce qui pourrait leur arriver et les facteurs susceptibles d’influencer leur vie.
Mexique
Au Mexique, une autre évaluation de l’apprentissage a été réalisée auprès d’enfants de Tijuana, Tapachula et Monterrey. L’évaluation s’est appuyée sur un échantillon de 443 enfants âgés de 4 à 18 ans. 75 % de l’échantillon sont des enfants non scolarisés ou scolarisés dans des structures d’éducation informelle. Les données ont été collectées auprès d’enfants originaires de 15 pays différents, même si la majorité d’entre eux provenaient du Triangle du Nord de l’Amérique centrale et d’Haïti.
demandeurs d'asile (2023)
des demandeurs d'asile sont des enfants (2023)
de taux brut de scolarisation primaire des réfugiés (2024)
de taux brut de scolarisation secondaire des réfugiés (2024)
HALDO on the Move a été utilisé pour l’évaluation au Mexique. Cet outil est une adaptation du HALDO original. Il est conçu pour évaluer les enfants âgés de 5 à 18 ans et adapté aux besoins d’apprentissage des enfants en situation de déplacement, en particulier ceux se trouvant le long de la route migratoire centraméricaine et au Mexique. Pour cette évaluation au Mexique, des enfants âgés de 4 ans ont également été inclus.
Comme en Mauritanie, les enfants de tous les groupes d’âge obtiennent de meilleurs résultats avec des questions plus faciles,
Une facilitatrice formée évalue les acquis d'un enfant à Tijuana, au Mexique. ©Save the Children
L’âge est un facteur clé pour prédire les performances des enfants dans tous les domaines, tandis que le sexe ne l’est pas. Les enfants haïtiens obtiennent de moins bons résultats dans divers domaines, ce qui peut s’expliquer par la barrière linguistique. L’outil a été administré en espagnol, alors que leurs langues maternelles sont le créole et le français.
Dans tous les domaines, il existe des différences significatives entre les performances des enfants âgés de 4 à 8 ans et celles des groupes plus âgés. Cependant, il y a peu de différence entre les groupes âgés de 9 à 13 ans et ceux âgés de 14 à 18 ans. Cela montre que le développement de l’apprentissage stagne entre le début et la fin de l’adolescence.
Les performances en matière de compétences socio-émotionnelles suivent une tendance similaire à celles en matière de lecture, d’écriture et de calcul. Les enfants ont du mal à répondre aux questions à mesure que celles-ci deviennent plus difficiles.
Trente-quatre pour cent des enfants âgés de 4 à 8 ans peuvent atteindre les deux niveaux les plus élevés des questions, ce qui signifie qu’ils sont capables de faire preuve d’empathie et de rationaliser les actions des autres ou à partir d’informations indirectes. Ces pourcentages sont respectivement de 51 % et 42 % pour les groupes d’âge 9-13 ans et 14-18 ans.
Enseignements clés
- Les niveaux d’apprentissage sont faibles et les élèves ne possèdent pas les compétences de base qu’ils devraient avoir, mais certains progrès semblent se dessiner.
- Il est important de générer des données afin d’élaborer des programmes et des politiques efficaces pour améliorer la qualité de l’éducation des enfants réfugiés.
- Il est essentiel d’augmenter les investissements et de prioriser les ressources consacrées à l’éducation afin d’aider les enfants déplacés de force à acquérir les compétences dont ils ont besoin. Il est également essentiel d’inclure des éléments d’apprentissage socio-émotionnel dans les programmes scolaires et/ou de sensibiliser les autorités nationales à l’importance d’un tel apprentissage afin de garantir une formation holistique.
Pour plus d’informations sur cette étude, consultez nos blogs consacrés à l’évaluation en Mauritanie et au Mexique, ainsi que nos rapports techniques ici.